L’acculturation data désigne un ensemble de pratiques, d’initiatives et d’actions de communication visant à accroître la compréhension et la maîtrise des données au sein d’une entreprise, afin d’améliorer la maturité globale de l’organisation.
L’émergence de la data, comme actif stratégique, donne l’occasion aux entreprises de mieux affronter l’avenir. Pourtant beaucoup éprouvent encore des difficultés à pivoter vers un modèle d’organisation data centric. Les organisations doivent définir une stratégie data qui soit comprise, soutenue et portée par les équipes.
Nous avons interviewé Pascal Giraud-Vinet, Directeur de projets data chez DataValue Consulting pour mieux comprendre les objectifs, les méthodes, et les bénéfices d’un programme d’acculturation data.
Qu’est-ce que l’acculturation data et dans quel contexte cela s’applique ?
Pascal Giraud-Vinet – Depuis quelques années, la donnée est devenue un véritable relais de croissance pour les entreprises et se retrouve au cœur des réflexions stratégiques. Cette dernière, considéré comme un actif, doit être exploré pour mieux être valorisé et devenir in-fine ce levier de transformation et de croissance.
L’ensemble de l’entreprise, ou du moins les parties prenantes concernées doivent avoir une culture data homogène en matière de donnée, c’est ce qu’on appelle l’acculturation data. Chacun doit avoir une connaissance des processus technique, organisationnel et même fonctionnel de la donnée pour valoriser au mieux cette dernière. Plus la compréhension des processus sera homogène et éventuellement ciblée, plus il sera possible d’aller loin dans l’exploration et finalement dans la valorisation de ces données.
Si de plus en plus la donnée est aux mains des directions métiers, ceux-ci ne sont pas spécialement techniques. Or s’ils utilisaient la donnée en connaissance de cause, ils pourraient améliorer leurs processus et créer de nouveaux produits.
Tel est le pouvoir de la donnée, et plus spécifiquement de l’acculturation data. Si chacun à connaissance de la valeur d’une donnée, alors chacun pourra faire émerger des projets générateurs de valeur, qu’ils soient techniques ou non, qu’il s’agisse d’une PME ou d’une entreprise du CAC 40.
Quelle finalité peut avoir la donnée au sein de l’entreprise ?
DataValue Consulting distingue 5 grandes familles de cas d’usage : l’innovation, l’expérience et la connaissance client, l’excellence opérationnelle, la maîtrise des risques et l’agilité opérationnelle.
- Innovation : c’est en créant de nouveaux produits, services ou même de processus que l’entreprise active de nouveaux leviers de croissance.
- L’expérience et la connaissance client implique de bien connaître et maîtriser le parcours d’achat qui peut être lui aussi valorisé par la donnée.
- L’excellence opérationnelle : l’amélioration des processus permet d’aider les équipes à améliorer leur performance et gagner en productivité.
- La maîtrise des risques, la lutte contre la fraude et la cybersécurité. Cette famille de cas d’usage souligne l’importance d’une compréhension de l’utilisation des données, en particulier des données personnelles dans le cadre de la RGPD. La compréhension des règles doit être la même pour tous, technique ou métier, afin de limiter au mieux les risques.
- L’agilité opérationnelle permet quant à elle d’avoir une flexibilité dans le travail favorisant la collaboration inter-département.
Quelle est la méthodologie à suivre pour réussir son projet d’acculturation data ?
L’acculturation data est un projet dans un projet. Elle commence au début de tout projet mais n’a pas nécessairement de fin.
La première étape consiste à aligner le programme d’acculturation data avec la vision globale de l’entreprise. Quel est l’objectif de mon entreprise à moyen terme ? En quoi mon patrimoine data peut m’amener à cet objectif ? Avons-nous la culture data nécessaire pour atteindre cet objectif ? Les réponses à ces questions vont permettre d’avoir un premier élément de diagnostic.
Dans un second temps, il faut analyser la maturité data de l’entreprise dans sa généralité. Il faut réussir à rendre la vision stratégique en vision plus opérationnelle pour connaître le niveau de maturité des filiales et des services. Une fois les niveaux de maturité data évalués, il faut se poser la question du qui. Et à ce moment, identifier des populations cible pour ce projet d’acculturation.
Quand l’objectif est identifié pour arriver à cette maturité data, il va falloir imaginer les actions à mener pour y arriver. La première action est un plan de communication pour pouvoir décliner la stratégie d’acculturation data tout au long et au-delà du projet. C’est par cette pédagogie active que les populations cibles pourront être embarquées. Et cette notion d’ancrage est primordiale à l’acculturation data pour permettre notamment de ne pas avoir d’effet de lassitude.
Quand il y a une vision stratégique, une population cible, des actions à mener, un suivi, alors il est temps de travailler sur la feuille de route de l’acculturation data. Cette étape ne peut se faire qu’une fois la maturité data évaluée.
Quelles populations sont à cibler lors d’un projet d’acculturation data ?
La première population c’est le Top Management. Les sponsors doivent être alignés sur le besoin d’acculturation data de tout ou partie de l’entreprise. Dans une démarche Bottom-Up, l’acculturation sera vue comme un centre de coût, alors que si ce projet est porté par la direction il aura plus d’impact et de considération.
La seconde population concerne les personnes qui sont directement utilisatrice ou lié aux données sur lesquelles le projet d’acculturation data va se concentrer.
Enfin la troisième catégorie de population comporte toutes les personnes indirectement liées à ce projet et celles qui ne le sont pas du tout.
Une fois ces 3 familles identifiées, l’idée est d’effectuer des croisements entre la vision qu’on les fonctions opérationnelles, techniques et fonctionnelles sur les données. Favoriser l’échange et la collaboration permet de faire émerger de nouveaux projets. Et c’est pour cela qu’il faut impliquer la troisième catégorie de population afin de les inciter à produire de la valeur sur leurs propres données.
L’acculturation data doit s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue et d’émergence de projet innovants. Et quel que soit la typologie de l’entreprise – décentralisé, centralisé, hybride – il est important d’avoir des porte-paroles pour relayer le message de l’acculturation data au sein de toute l’organisation.
Quelles actions ou pratiques faut-il respecter pour réussir son projet d’acculturation data ?
Dans un premier temps, il est important d’associer les actions d’acculturation data à des projets ou même des cas d’usages.
Comme premier levier d’action : les ateliers de Design Thinking (speed-boat, pont de corde, …) et l’usage de méthodes agiles. Ils permettent de faire émerger une culture collaborative qui favorise l’idéation et donc l’innovation.
Auprès du Top Management, l’acculturation va se baser sur des retours d’expérience réussis pour démontrer le gain à court, moyen et long terme. Si le ROI est quantitativement difficile à expliquer, le fait de démontrer que l’acculturation data a permis d’optimiser tel processus, a rendu plus productif telle BU, permettra d’avoir des sponsors dans la durée.
La communication événementielle permettra quant à elle d’opérer une bonne mise en mouvement. Cela peut passer par la célébration des victoires par exemple.
Le quatrième levier est la pédagogie active. Celle-ci consiste à vulgariser les métiers de la data à travers des dispositifs communautaires ou généraux.
Enfin, le dernier levier consiste à capitaliser sur des relais internes ou externes (cabinet de conseil en acculturation data). La direction de la communication, par exemple, va pouvoir proposer des événements collectifs et collaboratifs favorisant l’acculturation data.
Comment construire un plan d’acculturation data ?
On ne fait pas de l’acculturation pour de l’acculturation, mais dans le but de faire avancer certains projets. Le pilotage de l’acculturation doit en ce sens être inclus dans le pilotage d’autres projets.
Dans un premier temps il faut identifier les populations ciblées par ce projet. Puis, il faut lister les actions de communication discutée au cours d’une journée de cohésion ou d’un café virtuel. Et enfin il sera possible de construire le plan de communication avec les temps forts et les différentes actions.
Comment gérer les résistances pour faire vivre l’acculturation data dans le temps ?
La première des choses : ne négliger personne.
Il faut tout d’abord identifier les résistances. Sans pour autant accoler une étiquette à ces personnes, il s’agit d’amener ces populations à positiver dans un environnement participatif et collaboratif. L’objectif étant toujours de tendre vers l’homogénéisation de la connaissance de la donnée.
Il ne faut pas voir le changement comme quelque chose qu’on nous enlève mais au contraire, il faut essayer de mettre en avant le côté positif et les opportunités à saisir grâce au changement.
Pourquoi investir dans un projet d’acculturation data, qui n’est autre qu’un projet dans un projet ?
Si ce type de projet est souvent vu comme un centre de coût, il ne faut pas oublier qu’un ROI s’en dégage, difficilement quantifiable au démarrage.
Un projet d’acculturation data permet de réduire les risques opérationnels, financiers, techniques, organisationnels… liés à des dysfonctionnements et des perturbations de la chaîne de productivité du fait d’une incompréhension de certaines données.
Un meilleur dialogue entre les métiers et les fonctions plus techniques permettra d’avoir une fluidité de l’information et améliorera la productivité en favorisant l’innovation.