Les récents programmes et initiatives d’Etat (plan de transformation de la commande publique, TECH.GOUV, stratégie « cloud » de l’Etat, circulaire sur l’open data…) ont fortement intensifié la transformation numérique des services publics. Pourtant, de nombreux challenges semblent encore en perspective : enjeux de volumétrie de données, risques de sécurité, infrastructures obsolètes, exigences de transparence…
Dans ce contexte, DataValue Consulting, cabinet de conseil en data et inop’s, réseau des experts du numérique, ont mené une enquête nationale afin de dresser un état des lieux de la modernisation des acteurs publics en matière de pilotage.
Cette enquête a été menée de mars à mai 2021 auprès de 300 responsables publics au sein de collectivités (26%), d’établissements publics (25%), d’administrations centrales (20%), de services décentralisés (18%) et du secteur hospitalier (2%).
Manque de formalisation des systèmes de pilotage en place
La majorité des responsables publics interrogés affirme disposer d’un système de pilotage, et d’objectifs clairs. Les systèmes actuels sont essentiellement utilisés pour réaliser du reporting (80%) et faciliter la prise de décision (69%). Moins de la moitié des répondants affirment exploiter les outils pour réaliser des projections et prévisions futures.
Le nombre de rapports utilisés (moins de 10 rapports pour 71% des répondants) ainsi que leur périodicité de production semblent cohérents. A noter que les problématiques majoritairement rencontrées par les décideurs résident dans l’efficacité des rapports dont le nombre d’indicateurs est parfois trop élevé (pour 53% d’entre eux).
C’est lors de la phase de construction des rapports de pilotage que les plus grandes difficultés sont observées. Parmi celles-ci, nous distinguons les traitements manuels chronophages (66%), la qualité des données (56%), la fiabilité des données (55%), l’obtention des données par les autres services (53%) ainsi que l’utilisation d’outils inadaptés (42%).
De larges perspectives d’évolutions technologiques
Nous notons que l’outil Excel reste majoritairement utilisé par les répondants (83%) pour piloter les activités. Seuls 35% de responsables publics affirment utiliser des services Cloud, une tendance qui se développera fortement dans les mois et années à venir.
La majorité (62%) des répondants affirment utiliser des rapports alimentés par moins de 5 sources de données. Un chiffre qui s’explique par les difficultés à faire communiquer les différentes sources de données entre elles au sein d’un système d’information cloisonné.
Plus de 37% des interrogés envisagent d’utiliser les technologies d’Intelligence Artificielle dans les deux prochaines années, essentiellement pour la satisfaction des usagers (56%), la maintenance prédictive (31%) et la détection de la fraude (29%).
Actuellement, près d’un quart des répondants affirment intégrer des technologies avancées (IA, Search, traitement du signal, etc) dans leurs systèmes de pilotage actuel.
Une volonté d’optimiser et de fiabiliser les systèmes de pilotage
Plus de 61% des responsables publics interrogés considèrent leurs rapports insuffisants pour répondre à leurs besoins de pilotage.
L’efficacité d’un rapport repose sur les indicateurs. Les répondants évoquent un trop grand nombre d’indicateurs à gérer, qui peuvent être à l’origine de problématique pour la prise de décision et le passage à l’action.
Les résultats de l’enquête confirment la volonté des responsables publics d’optimiser leur système de pilotage (78%). Des améliorations qui concernent essentiellement :
- La qualité des données (72%),
- La spécialisation des rapports (53%)
- La gouvernance des données (50%)
- L’amélioration de l’aspect graphique (48%)
A noter que les problématiques de traitement, d’organisation et de gestion des données restent prépondérantes dans le secteur public. Ces difficultés ne sont pas uniquement liées à un outillage souvent inadapté mais proviennent majoritairement d’une absence de gouvernance des données (rôles, processus, outils).
Un manque d’instance centralisée en charge de la donnée
En effet, seul un quart des responsables publics interrogés (25%) dispose d’une instance dédiée au suivi des outils de pilotage. Au sein de cette instance centralisée (77%) ou décentralisée (16%), des plans d’actions sont définis pour les périodes à venir. Dans 35% des cas, l’instance de pilotage ne se limite qu’à de l’observation, sans générer de décisions ni d’actions en conséquence.
Pourtant, les rapports de pilotage sont largement diffusés au sein des organisations publiques interrogées, à travers différents canaux : en ligne (44%), par e-mail (77%) et papier (19%).
L’enquête révèle un trop faible impact des rapports sur le fonctionnement des activités. Effectivement, pour 58% des responsables publics interrogés, l’impact des rapports est considéré comme faible, voire nul pour le fonctionnement de leur activité.
Conclusions
L’explosion du volume de données à traiter et les nouvelles technologies impliquent de nouveaux défis. Les acteurs publics doivent être en capacité de transformer, valoriser et synthétiser les données pour gérer leur activité. Qu’il s’agisse de piloter la mise en œuvre des plans de l’Etat, soutenir le pilotage national et local ou suivre l’évolution des actions, les responsables publics doivent bâtir une vision orientée « donnée » qui installent une culture, une ambition et une organisation adaptée.
Il est essentiel pour les acteurs publics de développer de nouveaux cas d’usage afin de gagner en efficience opérationnelle. Les opportunités offertes par l’Intelligence Artificielle sont nombreuses pour les entités publiques (détection de fraude, nouveaux services aux usagers, etc.) et se développeront sans doute dans les années à venir.
Afin de répondre aux ambitions de l’Etat en matière d’exploitation, d’ouverture et de circulation des données dans le domaine public, la présence d’une instance dédiée (Chief Data Officer ou Direction Informatique centralisée) en charge des données au sein des entités publiques s’avère essentielle pour accompagner et formaliser cette transformation. La dernière circulaire de Jean Castex va dans ce sens, avec un CDO par ministère, mais une coordination globale va s’avérer indispensable.
Un large chantier de Data Management semble crucial pour structurer la donnée (qualité des données, processus, cartographie, référentiels, etc.) à des fins de traitement, d’échange et d’exposition des données. La modernisation des outils décisionnels, en cours, va se poursuivre dans le but de décloisonner la donnée afin de faciliter son intégration et sa valorisation dans les différents systèmes. Nous observons également une forte croissance des technologies cloud qui offrent de nouvelles perspectives aux entités publiques.
L’accélération de la mue se jouera également sur un plan organisationnel. Il semble nécessaire de mener des stratégies d’acculturation, de formations et de conduite du changement afin d’installer une culture de la donnée durable au sein de l’organisation. L’intégration croissante des méthodologies agiles pour la réalisation des projets d’intelligence de la donnée dans le secteur public va dans ce sens.